She's so lucky, she's a star
But she cry, cry, cries in her lonely heart, thinking
If there's nothing missing in my life
Then why do these tears come at night?
- Britney Spears,  ‘Lucky', 2000


Selon un ancien mythe hittite transmis de génération en génération parmi les familles anatoliennes depuis le IIe millénaire avant J.-C., il existait une nation souterraine de serpents dans les montagnes du sud-est de l’actuelle Turquie. Ces serpents vivaient dans un jardin médicinal gouverné par une créature hybride nommée Şahmeran. Un jour, Şahmeran tomba amoureuse d’un jeune homme égaré dans ce paysage caverneux qu’il avait découvert par hasard. Après des années de bonheur partagé, l’homme souhaita retourner chez lui, car l’âme humaine est souvent tourmentée par la mélancolie et la nostalgie. Sachant que l’amour consiste aussi à savoir lâcher prise, Şahmeran lui fit ses adieux sous une seule condition : qu’il ne révèle jamais l’endroit où elle se trouve à d’autres humains. Cependant, son amant trahit cette promesse en conduisant dans son jardin un pacha gravement malade et son vizir. Convaincus que Şahmeran elle-même était le remède ultime à la maladie du pacha, ils la tuèrent pour la consommer et boire le bouillon de sa chair cuite. Cette version abrégée d’une histoire complexe résonne depuis des siècles comme une leçon d’amour et de résistance. Par amour, Şahmeran a sacrifié son corps pour la rédemption humaine, transférant ses pouvoirs aux mortels. Aujourd’hui, elle est une figure talismanique importante. Cependant, son histoire va au-delà d’une simple légende : elle enseigne la guérison, le désir, l’appartenance et le transfert de connaissances. Elle est devenue un symbole de la résistance écologique, féministe, queer et politique au Kurdistan et en Turquie. Son image est un emblème d’autonomisation pour divers groupes de défense des droits, tels que les combattants féministes pour la liberté et les activistes LGBTQIA+. En bref, Şahmeran est devenue une icône pour celles et ceux qui revendiquent leur droit à l’existence.

Cette politique de transformation se retrouve également dans la pratique artistique de Mehdi Görbüz. Dans ses installations, Görbüz met en lumière les petits signifiants que nous tendons à ignorer, mais qui influencent puissamment nos expériences. À l’instar de Şahmeran dans le mythe, il aborde son art comme un jardinier prenant soin de plantes capables de le guérir. La création de jardins et de paysages, qu’ils soient symboliques ou physiques, peut être une forme de résistance, car c’est une façon de créer un espace intime et délimité qui reste à la fois visible et ouvert. Ainsi, on prend soin de tout ce qui existe et vit en dehors de soi, tout en y faisant partie intégrante. C’est une manière de préserver ce que l’on possède tout en imaginant un autre monde possible – en plantant, semant, cultivant. José Esteban Muñoz, influent théoricien de la culture, fait écho à cette idée dans sa définition des utopies queer, s’inspirant du philosophe de l’école de Francfort, Ernst Bloch. Il propose que la création de « paysages-souhaits » soit un moyen de reconnaître « le désir d’un temps et d’un lieu qui ne sont pas encore là ». Pour Muñoz, « la queerness est essentiellement le rejet d’un ici et maintenant et l’insistance sur la potentialité ou la possibilité concrète d’un autre monde ».

Görbüz crée son propre type de « paysages-souhaits » en sculptant des installations et des images avec des matériaux bon marché, des rebuts, du camp et de gritty. L’artiste utilise des objets camp, mais dépasse la définition donnée par Susan Sontag, qui évoque que « les vêtements, les meubles et tous les éléments du décor visuel, par exemple, constituent une grande partie du camp. L’art du camp est souvent un art décoratif, qui met l’accent sur la texture, la surface voluptueuse et le style au détriment du contenu ». À la place, Görbüz leur donne de l’importance en créant des installations qui révèlent la beauté du monde malgré sa violence. Son travail se rapproche davantage de la description plus poussée que fait Sontag du camp comme “une vision du monde en termes de style - un style particulier. C’est l’amour de l’exagération, du « décalage », des choses qui sont ce qu’elles ne sont pas”. Ce sont ces objets et ces ornements esthétiques qui permettent de donner un sens à une vie, de révéler certains aspects de notre comportement ou de parfaire un souvenir. Nous voyons les signes et signaux qui ont façonné le récit de sa vie personnelle, comme de jolis GIF de prières, des clips TV ou YouTube en basse résolution, et des cartes d’échange de combattant.e.s MMA. Ses compositions sont autant d’évocations joyeuses, douloureuses ou douces-amères. Le jardin de guérison de Görbüz est un lieu où le genre, l’identité et la politique adhèrent comme du pollen à l’esthétique kitsch produite en masse qui a marqué notre enfance dans les années 2000. Orchidées, roses, palmiers et paysages naturels ornent ses œuvres. Par ailleurs, Görbüz établit des réseaux de co-création avec des ami.e.s, des proches, le désir et la romance queer. Ses œuvres reflètent la confluence étoilée, mais déchirante entre la scène artistique de Paris-Bruxelles et les attentes d’une famille diasporique, offrant une exploration autothéorique de la vie.


Codes source

Lorsqu’on appartient à une diaspora ou que l’on doit composer avec une identité déracinée, il est impossible de « conserver » sa culture : tout transfert s’accompagne d’une perte de données. Certaines parties de vous disparaissent, sont effacées ou abandonnées en raison des formes oppressives d’intégration et d’assimilation. On ne peut pas retrouver ce qui a été perdu au cours de ce transfert sous sa forme originale, mais on peut en faire des copies et des collages pour donner une nouvelle forme à l’individu. Chaque couche que l’on enlève ou que l’on ajoute à une personne génère de nouveaux codes et des langages mixtes. À chaque fois qu’un nouveau contexte se présente, le code source d’une personne est adapté et affiné, tout en rendant la personne vulnérable. Dans le récit de Şahmeran, son amant bénéficie de ses connaissances médicinales et de son pouvoir après avoir bu le bouillon tiré de sa chair. Pour transmettre quelque chose, elle a dû mourir et, dans ce cas, la dégradation de qualité est liée à la perte d’une vie précieuse. Görbüz effectue des transferts d’images en visualisant les formes que pourrait prendre une perte de données basée sur l’identité. S’inspirant de la nécessité de changer de code dans son propre quotidien, il incarne la nécessité de se recomposer en permanence.

L’art de Görbüz repose sur le concept et la méthode du transfert. Ses œuvres vidéo et ses adaptations de séquences de télévision, de réseaux sociaux ou d’applications de messagerie se rassemblent dans des montages multimédias avec des plantes ou des matériaux périssables. Tout semble froissé, éraflé et fragmenté, comme une classe de personnes diasporiques est constamment et générationnellement mise en situation de vulnérabilité. Dans une nouvelle série d’œuvres, Görbüz transpose sur des tôles de la taille d’un smartphone les images reproduites des GIF en ligne qu’il reçoit presque quotidiennement des membres féminins de sa famille. Ces GIF illustrent des roses scintillantes, des baisers animés et des étoiles brillantes, accompagnés de prières quotidiennes dans des typographies romantiques. Il s’agit d’un moyen rapide et affectueux de faire savoir à une personne que vous pensez à elle, de lui souhaiter chance, prospérité, santé - et tout simplement une bonne journée. La détérioration de la qualité des images rappelle le déclin de l’appréciation de ces messages au fil du temps en raison de leur surabondance, à l’instar des chaînes d’e-mails du temps de MSN. Dans les œuvres de Görbüz, les objets kitsch bon marché deviennent des pièces d’archives de la classe diasporique particulièrement liées aux formes intellectuelles de discrimination classiste.

Les choix esthétiques de l’artiste sont guidés par la révélation complexe de la manière dont la dichotomie raciste et exotisante entre « l’Orient » et « l’Occident» apparaît et se perpétue dans les luttes de classes et la violence discriminatoire. Görbüz embrasse les désirs et les obsessions capitalistes souvent contradictoires qui découlent de cette lutte des classes : remplir son environnement de « richesses » (voitures de luxe et marques de luxe - s’il ne s’agit pas de vraies choses, il s’agit certainement d’une contrefaçon) et de kitsch maximaliste pour montrer que l’on peut, en tant que classe vulnérable de migrant.e.s, se montrer également moderne » et cosmopolite. L’œuvre de Görbüz It doesn't mean things are getting lost (2022) aborde cette esthétique de nouveau riche. Pour remettre en question les concepts d’accueil et d’hospitalité, Görbüz intègre des éléments de consommation ostentatoire typique dans la reconstitution d’une chambre d’hôtel. Les serviettes en forme de cœur fait de cygnes, symbolisant nos souvenirs romantiques, semblent luxueuses et douces, mais elles sont plâtrées dans une forme dure. Au lieu d’une belle peinture, la chambre est ornée d’une photo d’un pare-choc sur lequel est inscrit « Ford Maşallah ». Cette pièce humoristique évoque essentiellement les paillettes et le glamour des belles choses qui cachent des vérités bien plus sombres. Ces paradoxes sont liés à la manière dont les traces de nos souvenirs sont chargées d’émotions fluides. De la même manière, Görbüz se sert d’un autre emblème de la mobilité sociale ascendante : la voiture Mercedes. Dans son œuvre récente, I left Ferrari with all the tears in it. I will never cry for you again (2024), l’artiste réalise un bijou suspendu comme une sculpture talismanique. Entre le métal coulé et les logos des voitures Mercedes, on trouve une œuvre multimédia composée de clips Instagram diffusés sur des smartphones ainsi qu’une œuvre sonore avec un montage de musiques ambiantes, des lectures de l’artiste et des tubes d’Aya Nakamura. De Ford à Mercedes, de Maşallah à oh djadja, ces œuvres reproduisent les similitudes qui existent entre les codes de la spiritualité (culture visuelle islamique) et les codes de la culture pop capitaliste (camp contemporain).


Danse orientale

Ce sentiment d’appartenance s’accompagne également d’un désir passionné pour quelque chose qui ne nous ressemble pas ou qui ne nous appartient pas (encore). Comprendre la construction de Mehdi Görbüz en tant qu’artiste, c’est aussi appréhender son évolution en tant que personne et saisir le désir queer dans les contextes européens et non européens. Certaines de ses œuvres, comme Look mom, what I've done (2023-2024), évoquent directement ces souvenirs et les relient au même contexte politique de transférabilité et de perte de qualité, faisant de sa pratique une œuvre intrinsèquement intersectionnelle. Dans cette série, Görbüz retravaille les images des cartes de combattants de la WWE qu’il collectionnait et échangeait avec ses ami.e.s lorsqu’il était enfant. Ces objets sont devenus les symboles de son développement social au sein d’une société hétéronormative. Dans cette optique, ces cartes sont également devenues des objets de la culture visuelle qui ont aidé Görbüz à intégrer l’identité queer au sein d’icônes hétéronormatives. Les combattant.e.s de la WWE et les corps queer contribuent à la théâtralisation du corps et dépassent certaines normes de la pensée binaire.

Dans une autre œuvre, Görbüz combine de manière similaire un souvenir de son enfance avec une image illustrant la circulation et la transmission d’une culture aux codes ambiguës. À partir de photos prises à la télévision turque, Görbüz a réalisé un agrandissement d’une image fixe d’une danseuse orientale, imprimée en basse résolution. Elle danse en direct à la télévision, mais l’artiste l’a saisie immobile. Dans l’enfance de Gorbuz, la danse orientale résonnait comme un fantasme. Elle illustre la fertilité et la féminité, mais cette pratique est souvent transformée en une démonstration de disponibilité sexuelle pour les hommes. En reproduisant l’image de la danseuse orientale, Görbüz souligne les différents aspects de la violence patriarcale au sein de la société. D’une part, le corps sexualisé est diffusé en direct à la télévision comme un opium pour le public : il s’agit là d’un moyen actif de détourner l’attention des problèmes politiques de la vie réelle. D’autre part, la diffusion du corps de la danseuse orientale - presque consommé comme le corps de Şahmeran - et son objectivation concernent principalement des hommes qui ne peuvent pas ou ne veulent pas exprimer ouvertement leur intimité dans leur vie quotidienne. L’impossibilité de toucher (ou de toucher l’impossible) revient dans sa vidéo Noli me tangere (2021). Une fois de plus, ses œuvres sont marquées par des éléments naturels : des palmiers ondulant dans une tempête et des orchidées comme marqueurs délicats d’un état onirique.



Jardins de résistance

Les symboles naturels récurrents, comme les palmiers et les orchidées, sont courants dans les œuvres de Görbüz. Le palmier était déjà vénéré dans les civilisations anciennes comme la plante qui relie le ciel à la terre. Ses racines s’enfoncent dans le sol, à la recherche d’eau, tandis que sa couronne s’élève vers le soleil. Aujourd’hui, on le plante partout, même là où il ne peut se développer, dénaturé par les rêves coloniaux et exotiques. Palmiers en perdition, plantes mourantes et pourrissantes, ont également leur place dans le jardin de Görbüz. Illustrant la toxicité du désir humain de s’approprier culturellement la nature, l’artiste révèle à quel point la fétichisation profonde des choses nuit à tous les niveaux. La fétichisation des paysages naturels par des motivations orientalistes se retrouve au cœur de Why are we going so fast? (2021). Dans cet environnement immersif, Görbüz se sert de vidéos YouTube comme archives de souvenirs individuels et collectifs. Ses oeuvres sculpturales évoquent des souvenirs, des artefacts et la culture du tourisme de masse. En effet, la Turquie a connu une énorme transformation au cours des dernières décennies, où tout s’est gentrifié et s’axé sur le tourisme. Les familles diasporiques ont contribué à l’accélération forcée de ce processus, par la transformation involontaire d’une mère patrie en une destination de vacances. À côté des vidéos, Görbüz place des sculptures en béton représentant des coquillages en plastique que la plupart d’entre nous reconnaissent comme les piscines emblématiques des jeunes enfants. Ces petites piscines bon marché sont présentées comme des formes d’architecture monumentale, car elles sont devenues des artefacts de la mémoire nostalgique et collective d’une génération. À la place de la danseuse du ventre se tient une femme allongée, séduisante, évoquant l’image qui a fasciné la « haute culture » tout au long de l’histoire de l’art et qui est devenue une autre icône du camp. La Vénus de Botticelli. Plus qu’une valeur camp de notre culture visuelle, Vénus est, bien sûr, la déesse de l’amour, symbole du désir et de l’attention érotique. L’amour est le moteur de l’attention, de la résistance, du pardon, de la beauté, mais aussi de la violence et de la destruction. Pour Görbüz, l’amour est au centre de sa pratique, sous toutes ses facettes. Il demande un travail difficile, mais il permet de surmonter les différences de culture, de désir, d’ambition, d’amitié, de caractère ou d’utopies rêvées. Şahmeran et son amant ont dépassé les frontières entre les espèces, celles entre les mortels. Même si son amant a fait entrer dans son monde une force de destruction et de mort, elle lui a pardonné et s’est sacrifiée au nom de la transmission du savoir. Cette force s’épanouit dans son jardin : la résistance, l’amour, la protection, les souvenirs du passé et les souhaits pour l’avenir y coexistent et y prospèrent ensemble. Une véritable utopie queer existe dans les réseaux et les rhizomes d’amour et d’amitié. Voilà ce que Görbüz crée pour réaliser son œuvre : il récolte, apprend, collecte, demande, partage et fait des dons à ses amis, sa famille et ses proche. Iels alimentent son amour et sa colère qui lui apportent joie et tristesse. Les larmes qu’il verse sont des larmes de chance et de tristesse qui nourrissent son propre jardin, son propre « paysage-souhait ». Une référence littérale au concept d’utopies queer de Muñoz figure dans son œuvre Please, handle it with care (2023) : des rideaux de fausses perles, des cactus en savon et des orchidées en résine forment un petit coin de paradis. Si l’œuvre ressemble à une énigme au premier abord, elle aborde la disparité entre un lieu et un non-lieu, de même que la représentation d’utopies queer telles que décrites ci-dessus. Il s’agit essentiellement de la force de l’imagination et de l’énergie des attentes en termes de changement et d’évolution. Nos constructions sociales sont fragiles et extrêmement cassantes, ce qui en fait une cible facile pour la politique et la culture désireuses de nier la multiplicité des existences en les réduisant à des zones grises mono-culturelles et hétéro-normatives. Se servir de sa fantaisie et de son imagination comme d’un outil a le pouvoir de rompre ce présent dystopique. Aujourd’hui, il semble que toutes les stars emblématiques qui ont travaillé sans relâche sur leurs jardins et leurs corps de résistance souffrent de leurs cœurs solitaires. Comment transformer ces larmes en gouttes de force utopique ?

Les références des plantes et des éléments biologiques que Görbüz utilise dans ses œuvres vont au-delà de simples symboles naturalistes. Elles sont les traces d’un acte politique : celui du devenir. Görbüz jardine métaphoriquement. Il cultive de belles plantes tout en laissant de la place à la pourriture et à la décomposition. Se reconstruire demande du travail qui implique l’acceptation de choses belles, mauvaises et ambiguës. Görbüz trace un paysage avec les morceaux qui le constituent et, par ce biais, recueille les codes et les symboles qui dépassent sa seule expérience individuelle ; les motifs de son œuvre parlent à un imaginaire collectif. Son film Barefoot in the thistles (2020), par exemple, illustre un groupe de villageoises visitant une ancienne tombe, située quelque part dans les environs d’Elazığ. Les paysages conservent les traces de la douleur et de la mort, dont il ne faut pas oublier de continuer à faire le deuil. Les expressions de tristesse de ces femmes sont propres à chaque site et à chaque culture, mais le traumatisme de la perte récurrente à la suite de violences territoriales ou génocidaires se répand malheureusement plus fréquemment que nous ne le souhaiterions. Il existe des endroits qui vous obligent à fermer vos pétales et à vous cacher, tout comme il existe des endroits où vous pouvez vous épanouir et devenir la personne que vous voulez être. Pour Görbüz, l’orchidée incarne l’emblème ultime de ce travail de devenir - le travail que l’on doit faire sur son identité, ses racines et le sol de son propre jardin de résistance - parce que la plante nécessite beaucoup de soins. Dans son œuvre White Nights (2020), une orchidée blanche est maintenue en vie de manière chirurgicale. Ce geste est contre-intuitif, puisque les orchidées sont des espèces végétales qui poussent presque partout sur le globe et qui s’adaptent facilement, si bien que cette fleur pourrait s’épanouir dans tous les jardins. L’ensemble de la faune et de la flore dotées de cette qualité est regroupé sous un terme spécifique de la taxonomie scientifique, celui de « cosmopolite ». Cette agilité me rappelle Görbüz et tous ceux qui s’identifient à ses œuvres : nous sommes tous déjà cosmopolites, comme les orchidées.

Zeynep Kubat


She's so lucky, she's a star
But she cry, cry, cries in her lonely heart, thinking
If there's nothing missing in my life
Then why do these tears come at night?
- Britney Spears,  ‘Lucky', 2000


According to an old Hittite myth that has travelled over the lips of Turks, Kurds and other Anatolian kin since the 2nd millennium BC, there was an underground nation of snakes in the southeastern mountains of modern-day Turkey. These snakes lived in a medicinal garden, ruled by a hybrid creature named Şahmeran. She fell in love with a young man, who got lost in the cavernous landscape and found her by accident. After years of living happily together, he wanted to go back home, as the human soul is cursed by melancholy and nostalgia. Because love is also about learning to let go, she said goodbye to him with only one condition: never to share her location with other humans. Her lover did not respect this wish and brought a gravely ill pasha and his vizier to the garden. Thinking that Şahmeran herself was the ultimate cure for the sick pasha, they killed her to consume her and drink the broth of her cooked flesh. This is a drastically shortened version of an intricate story that has been filling Kurdish and Turkish hearts with love and resistance since centuries. Under the spell of love, Şahmeran gave up her body for human redemption and transferred her powers to the mortals. Today, she is an important talismanic figure. But her story is more than just any fairy tale: it’s a lesson in healing, longing and belonging, and transferring knowledge. She resurfaced as the symbol of ecological, feminist, queer and political resistance in Kurdistan and Turkey. Her image is a shared token of empowerment between very divergent rights groups, such as feminist Kurdish freedom fighters and LGBTQIA+ activists in cities. She has become an icon of for people claiming their right to exist.

This transformational politics also ties together the art practice of Mehdi Gorbuz. In his installations, Gorbuz works with the little signifiers that we tend to overlook, but that shape our experiences in powerful ways. It’s the cheap, the rubbish, the camp and the gritty that can bring a life together, hold clues about our behaviour or make a memory complete. Gorbuz practices his art as if he is tending to a garden with plants that can heal him, just like Şahmeran did in the myth. He collects objects and images that can represent a collective imaginary from Kurdish and Turkish culture in the face of western orientalism, but also from queer culture in the face of zealous religious taboo and patriarchy. We see the signs and signals that have shaped the narrative of his personal life, such as cute GIFs with prayers, low-res satellite TV or YouTube clips and MMA fighter exchange cards. His assemblages consist of joyful, painful, and bittersweet evocations alike. Gorbuz’ healing garden is a place  where gender, identity, and politics stick like pollen onto a mass-produced kitsch aesthetics that imbued our Y2K childhood. Orchids, roses, palm trees and natural landscapes adorn his works. Gorbuz establishes networks of co-creation with friends and loved ones, queer desire and romance. They mirror the star-studded yet tearful confluence between the Paris-Brussels art scene and the expectations of a diasporic family; an autotheoretical exploration of life.


Source codes

When one is part of a diaspora, or has an uprooted identity to deal with, one just doesn’t get to ‘keep’ their culture: during any kind of transfer, there is data loss. Some parts of you disappear, are erased or are given up in the face of oppressive forms of integration and assimilation. What is lost during this transfer cannot be retrieved in its original form, but there are copies and collages edited into one’s new shape. New codes and mixed languages are established with each layer that is scaled off or added onto a person. With every new context, one’s source code is adapted and refined, but the process makes one vulnerable. In the story of Şahmeran, her lover receives her medicinal knowledge and power after drinking the broth from her body. She had to pass away in order to pass on something, and in this case the loss of quality corresponds with the loss of a precious life. Gorbuz creates image transfers by visualising the shapes an identity-based data loss can take. Inspired by the necessity of code-switching in his own quotidian, he materialises the experience of having to piece yourself back together again continuously.
Transfer as a concept and as a method is the driving force of Gorbuz’ art-making. His video works and adaptations of found footage from television and social media or chat applications come together in multimedia assemblages with plants or perishable materials. Everything seems ruffled, chafed and scrubbed down, which represents the way in which a diasporic class of people are repeatedly and generationally put in vulnerable states. In a new series of works, Gorbuz transposes the reproduced images of online GIFs he receives almost daily from his female family members on smartphone-sized cartons. These GIFs contain glittery roses, moving kisses and shining stars, with daily prayers to Allah in romantic typographies. They are a quick and loving way to let someone know you are thinking of them, wishing them luck, prosperity, health - and simply a good day. The faded character of the images mimic the fading appreciation for these messages overtime because of their over-abundance, like chain mails in the MSN-era. Cheap objects of kitsch become archive pieces of the diasporic class in Gorbuz’ works, especially related to orientalist and intellectual forms of classist discrimination.

The artist’s aesthetic choices are guided by the complex revelation of how the racist and exoticizing dichotomy between ‘East’ and ‘West’ are exemplified and perpetuated in the class struggles that dictate the primacy of ‘being modern’ over ‘being backwards’ in Turkish culture today. The former refers to identities that are secular, live in cities, and who act European - more specifically ‘French intellectual’ - and have received higher education. The latter is associated with persons who are religious and traditionalist, associated with people from rural areas without higher education. The reality shows that these are harmful clichés, and furthermore reveals a true class struggle under the guise of a culture war. Such oppressive forms of pigeonholing groups of people in Turkey has had many real repercussions on the politics of the country, but also on the social expectations and life choices of diasporic Turks and Kurds. The families who migrated to Belgium, France and Germany in the sixties and seventies to work in mines, factories and construction sites usually came from the rural areas that were associated with this ‘backwards’ class. Suddenly, they were at the heart of what was perceived as ‘modern’ in their motherland, which was an exotic projection, and had to adapt to a new reality that did not correspond with their country’s ‘European dream’.

Gorbuz embraces the often contradictory capitalist desires and obsessions that resulted from this class struggle: filling your environment with ‘riches’ (expensive cars and luxury brands - if not the real thing, definitely a dupe) and maximalist kitsch to show off that you, a vulnerable class of migrants, can be ‘modern’ and cosmopolitan too. This nouveau riche aesthetic is addressed in Gorbuz’ work It doesn’t mean things are getting lost (2022). Questioning the concepts of hosting and hospitality, Gorbuz inserts elements of typical conspicuous consumption into the recreation of a hotel room. The towels shaped like a heart made of swans appears luxurious and soft, but they are plastered into a hard shape. Instead of a nice painting, the room is adorned with a photograph of a bumper that says ‘Ford Maşallah’. In its essence, this humorous piece is about the glitter and glamour of beautiful things that hide harsher truths. The work becomes a metaphor for the superficial beauty of Turkish and Kurdish culture, such as the practice of hospitality and warmth, that hides a concrete wall of  gious dogmatism.

Bellydancing

In the same gist of trying to find that feeling of belonging, lies also the passionate longing for something that is not you or yours (yet). Understanding the construction of Mehdi Gorbuz as a person and as an artist, also means understanding queer desire in a non-European context. The integration of Gorbuz in Belgium intersected with his exploration of his queer identity. Some of his works, such as Look mom, what I’ve done (2023-2024), address these memories directly and link them to the same political context of transferability and loss of quality, making his practice intrinsically intersectional. In this series, Gorbuz reworks the images on WWE fighter cards he used to collect and exchange with friends as a child. As objects, they became the symbols of his social development and integration into a Belgian social sphere. Despite the fighters being the summum of patriarchal and heterosexual machoism in popular culture, his attraction to the muscular bodies of the male fighters was his first experience with homoeroticism.


In another work, Gorbuz similarly combines a queer memory from his childhood with an image that represents the circulation and transmission of ambiguously coded culture. Appropriated from a snapshot moment on Turkish television, Gorbuz made a blow-up of a still from a bellydancer, printed in low resolution to guard the social marker of using poor images. She is dancing on live TV, yet captured motionless by the artist. As a queer kid, Gorbuz fantasised about being a bellydancer. Bellydancing is the celebratory performance of fertility and womanhood, but the practice is often turned into a display of sexual availability for men. With the reproduction of this image, Gorbuz intersects his personal experiences with the violence of a culture that oppresses, violates and strips queer persons and women from their rights, often in the name of religion. The bellydancer counts as an icon of this phenomenon, as her body is consumed - almost like the body of Şahmeran - and objectified countlessly by conservative (often religious) men who cannot and may not express open sexuality in their regular lives. The impossibility to touch (or to touch the impossible) returns in his films about the question of longing and belonging in queer desire, such as Noli me tangere (2021) or Ancora tu (2022). Again, natural elements designate the psychology of his works: palm trees waving in a storm, and orchids as the delicate markers of a dream-like state.  


Gardens of resistance

Recurrent natural symbols, like palm trees and orchids are common in the work of Gorbuz. Already in ancient civilisations, the palm tree was revered as the plant that joins the sky with the earth. Its roots sink into the ground, looking for water, while its crown reaches to the sun. Today, the tree is being planted everywhere, even in places it cannot thrive, denatured by colonial and exotic dreams. Perishing palm trees, dying and rotting plants, also have a place in Gorbuz’ garden. Conveying the toxicity of the human desire to culturally own nature, the artist reveals how the deep fetishisation of things is harmful on all levels. The fetishisation of natural landscapes through orientalist motivations is the subject of Why are we going so fast? (2021). In this installative environment, Gorbuz collects and connects old promotion videos from travel agencies, with sculptural works referencing souvenirs, cultural artefacts and tourist culture. Turkey has seen an enormous transformation during the last decades, where everything is being gentrified and catered towards tourism. Diasporic families are also guilty in the acceleration of this process, because of the motherland has become a holiday destination after migration.

The references of the plants Gorbuz uses in his works go beyond simple naturalistic symbols. They are the traces of a political act: the act of becoming. Gorbuz is gardening metaphorically, planting beautiful plants but also making space for rot and decay. Re-piecing yourself requires work and is a kind of labour that entails the acceptance of good, bad and ambiguous things. Gorbuz is tracing a landscape with the pieces that constitute himself, and by doing so collects the codes and symbols that are more than only his individual experience; the motifs in his work speak to a collective imaginary. His film Barefoot in the thistles (2020), for instance, shows a group of village women visiting an ancient Kurdish tomb, located somewhere between Turkey and Armenia. Landscapes bear traces of pain and death, which we should not forget to keep on mourning over. The expressions of sadness from these women is very site- and culture-specific, yet the trauma of recurrent loss after territorial or genocidal violence is sadly becoming more common than we would wish for. There are places where you have to close your petals and hide yourself, just as there are places where you can bloom into the person you want to be. For Gorbuz, the orchid becomes the ultimate emblem of this labour of becoming, - the work one has to put in their identity, their roots and the soil of their own garden of resistance - because the plant requires a lot of care. In his work White Nights (2020), a white orchid is being kept alive surgically. It’s a contra-intuitive gesture, because orchids are a plant species that grow almost everywhere on the globe and can adapt easily, so the plant species could thrive in every garden. All flora and fauna with this quality is grouped under a specific term in scientific taxonomy, ‘cosmopolitan’. It’s a kind of agility that reminds me of Gorbuz and everyone else who can identify with his works: we all already are cosmopolitan, like the orchids.

Zeynep Kubat